Images à comprendre |
-- Un peu de magie : le tamis de Sierpinski -- |
Dessinez un triangle sur une feuille. Puis reliez les milieux des trois côtés (Figure 1). Vous obtenez ainsi trois triangles identiques au triangle initial, mais plus petits. Recommencez avec ces trois triangles (reliez pour chacun les milieux de ses trois côtés). Vous obtenez cette fois neuf triangles identiques au triangle initial en plus petit. Recommencez encore, et encore, comme sur la Figure 1. Au bout d'un moment vous obtiendrez l'image présenté ci-dessus, qui est appelée "tamis de Sierpinski", du nom de son inventeur.
Alors, pourquoi cette image est-elle magique ? Car, comme un lapin sortant d'un chapeau, elle apparaît dans de nombreux contextes qui n'ont apparemment rien à voir les uns avec les autres. En particulier, il existe une multitude de façon de la définir. Nous allons présenter ci-dessous deux de ces tours de magies qui font apparaître, là où on ne l'attend pas, le tamis de Sierpinski.
Commençons par la version aléatoire. Prenez un crayon et pointez (c'est-à-dire, avec la pointe du crayon, dessinez un petit point) les trois sommets d'un triangle. Puis placez la pointe du crayon sur un des trois points (n'importe lequel). Choisissez un des autres sommets au hasard, puis pointez le milieu du segment entre la pointe du crayon et le sommet choisi. Laissez le crayon sur ce nouveau point et recommencez : choisissez un des trois sommets du triangle au hasard et pointez le milieu du segment entre la pointe du crayon et le sommet choisi. Répétez cette opération un grand nombre de fois. Vous obtiendrez quelque chose qui ressemblera à la Figure 2, et après un grand nombre d'itérations, vous aurez exactement le tamis de Sierpinski ! Surprenant, non ?
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Figure 2. La construction aléatoire du tamis de Sierpinski. Plus on a de points (de gauche à droite 10, 100, 1000 et 10000), plus on se rapproche de la figure idéale... |
Prenez maintenant une feuille à petits carreaux, puis écrivez "1" dans un des carreaux (en haut, à gauche, de préférence). Sur la ligne d'en dessous, dans chaque carreau, écrivez le nombre obtenu en aditionnant le nombre du carreau juste au dessus et du carreau juste au dessus à gauche (si le carreau est vide, on suppose qu'il contient zéro). Puis recommencez le même processus sur la ligne d'en-dessous. On obtient la Figure 3, qui est le triangle de Pascal (ou du moins le début), un autre objet extrêmement important des mathématiques.
Quel est le rapport avec le tamis de Sierpinski ? Aucun a priori. Et pourtant, si vous coloriez en noir les carreaux contenant des nombres impairs et si vous laissez blanc les carreaux contenant des nombres pairs, une figure apparaît. Si vous prenez des carreaux assez petits, et que vous prenez un grand nombre de lignes du triangle de Pascal, vous vous convaincrez sans doute que c'est bien le tamis de Sierpinski !
Une dernière remarque pour les plus courageux d'entre vous, qui ont pris la peine d'aller chercher une feuille à petits carreaux. Nous allons voir pour finir que nous pouvons dessiner le tamis de Sierpinski sans calculer effectivement le triangle de Pascal.
Sur notre feuille quadrillée, commençons par noircir un carreau de la première ligne. Puis, pour chaque carreau de la seconde ligne, considérons le carreau juste au dessus de lui et celui qui est juste au dessus à gauche (ce sont donc deux carreaux de la première ligne). Si un de ces deux carreaux est noir, mais pas les deux à la fois, nous noircissons à son tour le carreau en question de la seconde ligne. Elle contient donc finalement deux carreaux noircis. Appliquons la même méthode sur la troisième ligne, puis encore sur la ligne en dessous, etc. : à chaque fois, on noircit un carreau si celui juste au dessus ou si celui juste au dessus à gauche est noir, mais pas les deux. C'est certainement la façon la moins fastidieuse de dessiner le tamis de Sierpinski à la main ! Arrivez-vous à vous convaincre que c'est exactement la même chose qu'en passant par le triangle de Pascal ?
Si vous savez un peu programmer, et si vous voulez jouer un peu, vous pouvez télécharger les différents programmes (en C) utilisés pour obtenir les images de cette page. Il y a celui qui dessine le tamis de Sierpinski par la méthode aléatoire, celui qui en plus sauvegarde les résultats intermédiaires, ce qui permet de faire facilement la Figure 2 ou une animation, et enfin celui qui correspond à la dernière méthode présentée. Soulignons que la méthode la plus facile à suivre à la main (la première) est certainement la plus délicate à programmer...
Matthieu Latapy, mars 2003.
Commentaires bienvenus : matthieu.latapy@lip6.fr