Mon domaine de recherche concerne principalement l'analyse et la modélisation des grands réseaux rencontrés en pratique, appelés graphes de terrain. Mes travaux visent à proposer de nouveaux outils issus de la théorie des graphes dans le but d'identifier des propriétés non triviales de ces réseaux et de définir de nouveaux modèles à même de les capturer. Dans ce contexte, j'ai proposé et étudié ces dernières années des modèles pour la topologie de l'internet, le routage au niveau IP, les réseaux mobiles, les réseaux juridiques et les phénomènes de diffusion. Ces travaux, centrés sur la modélisation, ont naturellement été accompagnés en amont de travaux liés à la métrologie ainsi qu'à l'analyse de ces réseaux.

Graphes bipartis

Un des intérêts de la capacité à identifier proprement des propriétés d'un réseau réside dans notre aptitude à utiliser des modèles de génération de graphes capables de produire des structures similaires. Ceci est crucial non seulement pour fournir un support pertinent pour des simulations mais aussi pour permettre d'améliorer la compréhension des propriétés observées. La difficulté réside notamment dans le fait que les propriétés étudiées doivent émerger à partir du modèle et non être simplement des paramètres de celui-ci. À ce titre, mes travaux basés sur les graphes bipartis ont montré la pertinence de cette approche, à la fois pour proposer des modèles pour la génération aléatoire de structures dans lesquelles un vaste ensemble de propriétés émerge naturellement mais aussi pour permettre l'analyse de nouvelles propriétés des réseaux. En particulier, j'ai pu mettre en évidence l'impact de la redondance des connexions existant au niveau biparti sur les propriétés observées dans les graphes simples. Les pistes ouvertes par ces travaux m'ont ainsi amené à proposer récemment un modèle triparti permettant de générer une structure bipartie plus proche de celle observée dans les réseaux réels.

Dynamique des réseaux

La problématique exposée ci-dessus s'intéresse à la structure d'un réseau à un instant donné. Mais bien sûr les réseaux évoluent en permanence, les nœuds et les liens qui les composent étant en constante modification. Un second axe de mes recherches s'est concentré sur les problématiques liées à la dynamique des réseaux et plus particulièrement à celle du routage au niveau IP dans le réseau Internet. Des données obtenues par l'équipe grâce à l'outil Radar permettent en effet de capturer la dynamique du routage tel qu'il est vu depuis une machine reliée à Internet vers un ensemble de destinations. Ces jeux de données se présentent comme des arbres de routage mesurés avec une grande fréquence et sur une grande période de temps. Ils ont ainsi permis de proposer un premier modèle de la dynamique de routage au niveau IP. Ce modèle tente de rendre compte à la fois des phénomènes liés à la répartition de charge sur le réseau et également des modifications de la topologie sous-jacente. De plus, il a permis de caractériser l'impact de la topologie sur la dynamique observée et de préciser celui de la fréquence de mesure.

Phénomènes de diffusion

La compréhension des phénomènes de diffusion dans les réseaux de communication est devenue aujourd'hui un enjeu clef, tant du point de vue théorique qu'applicatif. Malgré les efforts de la communauté scientifique pour proposer des modèles qui puissent rendre compte de ces phénomènes, la confrontation de ceux-ci à des données issues des réseaux réels reste un défi important, dû notamment au peu de données disponibles traitant de ces phénomènes à grande échelle. Au cours de ces dernières années, j'ai développé un axe de recherche qui exploite les traces d'utilisation d'un système d'échanges de fichiers pair-à-pair pour conduire des simulations permettant de tester la pertinence du modèle SIR, emblématique des modèles de type épidémiologique. Les résultats montrent que celui-ci est incapable de rendre compte de la plupart des propriétés liées à la diffusion, et ce même en proposant des extensions naturelles, que ce soit la prise en compte de l'hétérogénéité due à l'activité des pairs et à la popularité des fichiers échangés ou encore la prise en compte de poids dans la représentation du réseau sur lequel a lieu la diffusion. Ces résultats importants vont à l'encontre de l'idée répandue qui est faite dans le domaine et, de ce point de vue, adressent un message de précaution à la communauté utilisant cette famille de modèles. Un récent travail m'a également permis de montrer comment la prise en compte de certains aspects temporels permet de proposer un modèle dynamique à même de reproduire de façon plus réaliste les phénomènes de diffusion.